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"LE GRAND HIVER 1709" à Fenioux

 


photo J. Chauveau


En cet hiver 2009-2010 où le froid est parfois décrit comme exceptionnel, il est intéressant de relire un texte écrit il y a précisément 300 ans par le curé de Fenioux (extraits des registres paroissiaux).

Il faut dire que l’hiver de l’année précédente avait été très rude. Dans la mémoire collective il est resté comme « le grand hiver 1709 ».

Le froid commença le 6 janvier, jour des Rois. Du 10 au 21 janvier la température sous abri se maintint à Paris aux environs de -20°, avec des minima absolus de -23.1°. Le grand froid se prolongea jusqu’aux premiers jours de février. Tous les blés ayant été gelés, on ressema au printemps de la baillarge (orge de printemps) mais les prix du grain ayant flambé, la baillarge qui valait 8 sous le boisseau en 1708 fut vendue 4 livres 10 sous au printemps 1709 soit plus de dix fois plus cher !

Des émeutes de la faim éclatèrent à travers le pays. A Germond les registres paroissiaux signalent que les peuples ont pillé les bleds par les chemins et dans quelques greniers. En mai 1709 l’aumônerie de l’abbaye de l’Absie est mise à feu par une foule déçue de la faiblesse des dons (Mille ans d’histoire de l’Absie par R.Dubois).

 

 

Texte écrit en l'été 1710 (registres paroissiaux de Fenioux, Deux-Sèvres)

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Mémoire curieux pour la postérité

On regardera dans la suite des temps comme des choses surprenantes, extraordinaires et mesme impossibles ce qui est arrivé dans la présente année 1709 par rapport à la rigueur de l’hyvert et aux gelées excessives qui y sont arrivées et qui ont esté la cause d’une famine presque générale et qui ont produit des pertes dont on se ressentira plus d’un siècle.

Premièrement on saura qu’autour de la feste de St-Michel Archange 1708, le bled froment ne vallait pas plus de vingt cinq sous le boisseau, mesure de chandenier, le seigle quinze sous, la baillarge huit et le bled noir six, le vin de paÿs quatre livre la barrique et celui de Xaintonge huit mais il y eut en peu de temps bien du changement tant par les séditions populaires faittes pour s’opposer à l’enlèvement et transport des grains que par les grands froids qui ont commencés le jour des rois de cette présente année et qui ont durés autour de six semaines.

Car presque tous les bleds en ont été gelés et on peut compter pour rien ce qui a resté en telle sorte qu’on a esté obligé de semer au printemps tout comme si on ne l’avait point fait auparavant l’hyvert mais comme cette saison ne permet pas de mettre en terre toutes sortes de grains, on a eu recours aux baillarges et bleds noirs, ce qui les a fait valloir un prix pour ainsi dire incroyable puisque la baillarge s’est vendue pour semer au mois de mars, avril et jusqu’au quinze de may 1709, quatre livres dix sous, et le bled noir vingt quatre livres le boisseau et communément dix huit et vingt livres et au mois de septembre suivant  le froment a vallu pour semer, lors qu’il était bon et nouveau, dix livres et le seigle cinq livres, et le reste de l’année et mesme jusques à la récolte de l’année 1710 qui est le temps que j’écris le présent mémoire, il a vallu le même prix ou du moins il y a eu très peu de diminution quoiqu’il y ait apparence de la plus belle récolte en bleds que jamais homme vivant ait vu.

Pour ce qui est des fruits, on en espère très peu, aussi bien que de vin dans les pays voisins à cause de la gelée arrivée le premier jour de may de cette année 1710 mais la plus grande perte arrivée par le froid de 1709, après celle des bleds, et dont on se ressentira plus que mémoire d’homme, est à l’égard des châtaigniers et noyers qu’on peut dire avoir entièrement été détruits et principalement les plus grands et les plus vieux dans le paÿs de gastine.

Tous les genêts et ageons ont été gelés.

On attribue encore actuellement, de l’avis des médecins et chirurgiens, à cette gelée la cause de la mortalité et du très grand nombre des maladies contagieuses qui règnent présentement presque dans tout l’univers.

                                                                                        Boutheron, curé de Fenioux
                                                                           

 



 

En l'an 1709, en marge des registres paroissiaux de Pamplie (Deux-Sèvres) on peut aussi lire :  

L’arrivée du printemps ne fait pas sentir cette année cy comme les autres l’agrément qu’on aurait coutume d’y trouver. Il n’est pas accompagné comme ordinaire de la douce harmonie du chant des petits oiseaux parce que ils sont presque tous morts par la vigueur et la longueur de l’hiver.

A Germond (Deux-Sèvres) on écrit :

Au commencement de cette année, le froid a esté si rude qu'il a gelé tous les arbres verds ensemble, les ageons, les genest et fendu plusieurs chaînes, noyers, siréziers et autres, tué tous les petits oyzeaux et nombre de gros, tant domestiques qu'autres, plusieurs animaux, cochons et brebis.

Alors qu'en Charente :

L'hiver 1709 fut si terrible qu’il fallait chauffer les barriques pour tirer le vin, les lièvres se vendaient 4 sous et les perdrix 3 sous la paire car il suffisait de les ramasser !

                                                                                                                                               
                                                                                                                                      J. Chauveau février 2010

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